El Moro
Bienvenue au Charny clown Circus !
Après la Cabane Multi-raquettes Courtois, voici venu le City Stade Ménard, deux réalisations à l’utilité contestable en regard de leurs coûts et qui procèdent du même raisonnement imbécile, à savoir la chasse aux subventions.
Combien de fois n’avons-nous pas entendu de la part d’élus des municipalités concernées cette affirmation stupide tenant lieu de pseudo-justificatif : « Evidemment, on n’a peut-être pas besoin de ça, mais si on ne le fait pas, les subventions vont partir ailleurs !». En fait, plutôt que de laisser à d’autres collectivités la possibilité de réaliser des équipements parfois indispensables, des élus, un peu partout en France, les yeux rivés sur les prochaines échéances électorales, préfèrent se servir d’abord . Nous aurons donc notre « City Stade » ….en attendant qu’un illuminé du gouvernement ou de la Communauté européenne décide de subventionner la plantation de baobabs, ce qui aura pour effet de changer radicalement le look de la rue du Billoy ! On ne dénoncera jamais assez cet effet pervers des subventions, qui permet aux élus d’échapper à leurs responsabilités, tandis que les effets néfastes pour l’environnement et le cadre de vie de toutes ces constructions mégalomaniaques s’alourdissent chaque jour.
Mais avant que son état ne la fasse classer à côté de l’église de Fontenouilles parmi les cas désespérés, peut-être définitivement, qui va bien vouloir entreprendre sans subventions providentielles la restauration de la Halle de Charny qui menace ruine, malgré ses airs trompeurs de coquetterie ? Construite en remplacement d’un vieux bâtiment en bois, sous Louis-Philippe en 1834, avec des colonnes de pierre récupérées à la suite de la démolition du château de Montargis, la construction emblématique de Charny fêtera-t-elle son bicentenaire ? Rien n’est moins sûr.
Etudiée initialement pour n’être qu’un simple abri du marché aux volailles, l’embonpoint de ses colonnes ne portant qu’un toit léger apparut incongru et incita la municipalité Roussel à compléter la construction par un étage. C’est tout naturellement, de par son importance et sa position centrale, que la Halle devint la mairie de Charny jusque dans les années 1970, époque à laquelle l’administration municipale prit possession du château construit à la fin du 19e siècle par Marie Paul Jacot.
A compter de cette époque, la restauration de la Halle de Charny devient un véritable serpent de mer. En octobre 1977 déjà, il y a donc presque un demi-siècle (Souvenez-vous….sous Giscard, après Deschanel mais bien avant Sarkozy !), Le Charnycois, mensuel du canton de Charny, faisait sa une d’un article intitulé : « l’Ancienne Mairie de Charny doit être conservée, restaurée et devenir un centre d’animation ». On y apprend qu’à la suite du sondage organisé par ce journal, 2 % des habitants de la cité demandent sa démolition , un pourcentage étonnamment faible compte tenu de son aspect repoussant à l’époque.

Mais à propos, pourquoi diable les fenêtres avaient-elles des persiennes ? Les élus y dormaient-ils après un long conseil municipal ?
En revanche la presque totalité de la population demande sa conservation et sa restauration, en donnant des pistes intéressantes : centre de réunion pour les sociétés locales (90 %), salle d’animation socio-culturelle avec spectacles, jeux, conférences, musique, etc (80)%, musée de Charny avec animation (92 %), expositions de peintures d’amateurs et d’artisanat, etc.… 78 % des Charnycois se déclarent prêts à participer à une réunion pour débattre du sujet et certains demandent déjà que les colombages des murs redeviennent apparents (ce sera acquis à l’initiative de l’architecte charnycois Bouvet)
Mais à part cet heureux ravalement, les souhaits de la population ont-ils été exaucés ?
Dans le bureau du Maire situé sous l’horloge, il y avait dans un angle un caisson en bois, une sorte de cheminée dans laquelle descendaient, avant l’électrification de l’horloge, deux poids en fonte qui assuraient le fonctionnement du mécanisme d’horlogerie, moyennant leur remontage hebdomadaire par le garde champêtre. Afin d’éviter que ces masses de fonte ne traversent le plancher en cas de rupture de leur câble de soutien et ne tuent un malheureux badaud en-dessous, des vieux pneus servant d’amortisseur avaient été déposés au fond du caisson. Peut-être sont-ils toujours en place ?
Par contre, la Halle a perdu un de ses équipements qu’il serait de mauvais goût de regretter. Il s’agit de la vespasienne jouxtant la cage d’escalier ; avec son panneau de tôle grise assurant un minimum d’intimité à ses utilisateurs, elle avait un look typiquement parisien. Son emplacement avait été fort judicieusement choisi puisqu’elle était à peu près équidistante des trois principaux contributeurs à ses apports, à savoir le bar de l’Hôtel du Cheval Blanc, le café-bar-P.M.U. Michaud et le bar de « La pie qui chante » de Madame Hubert. Aucun écriteau, aucun fléchage n’en indiquait l’emplacement, bien connu des Charnycois, mais les gens de passage n’avaient aucun mal à la localiser en cas de nécessité, compte tenu de la puissante odeur à dominante ammoniacale qui s’en dégageait et de l’essaim de grosses mouches noires énervées qui colonisait les abords aux premiers rayons du soleil.
Le Charnycois d’octobre 1977 concluait ainsi son article : « L’action pour la conservation et l’animation de l’ancienne Mairie est engagée avec vous et pour vous. Votre soutien et votre participation sont les garants de la réussite »
C’est mal barré, non ? Et pourtant… il faudra bien que la Halle de Charny reste debout, n’en déplaise à quelques élus récalcitrants, parce qu’elle est maintenant l’âme de la cité, sa mémoire vive.
Elle a participé à l’Histoire de France quand les opposants républicains au coup d’état de «Napoléon-le-Petit» échangeaient à voix basse leurs informations entre ses piliers, ou quand vers les années 1900, elle prit place dans les querelles entre l’abbé Tridon et la municipalité plus ou moins anticléricale, à propos de «l’horloge républicaine» de son fronton et de «l’horloge chrétienne» de l’église (avant le décès, bien sûr, le 16 juillet 1903 de l’abbé Tridon dans sa maison de la rue très républicaine de l’Egalité !)
Elle a connu les heures les plus sombres de Charny, comme ce 6 juin 1944 quand les cadavres des deux jeunes maquisards résistants tués par un gendarme français dans l’attaque de la Poste furent jetés sur les marches de son perron, ou les 24 et 25 août de la même année quand le sanguinaire Tanton et la bande de nervis faux-résistants dirigés par «Jaune d’oeuf» rassemblèrent entre ses colonnes les cinquante prisonniers allemands confiés à la garde des Charnycois par les troupes américaines, avant de les transporter en camion à la carrière des Bonnins de Perreux pourles fusiller.
Mais la Halle peut aussi témoigner des plus grandes joies, pour ces dizaines de jeunes mariés par exemple, qui, pendant plus d’un siècle, gravirent les marches de son escalier pour officialiser leur union dans le bureau du 1er étage de Monsieur le Maire. Et lors de la fête annuelle dite de la rue des Ponts, elle a croisé les regards émerveillés des enfants sur les manèges installés parfois tout contre son perron. Elle a connu la foule des marchés d’antan et surtout des vraies foires de Saint-Simon, à l’époque où celles-ci étaient l’événement annuel incontournable de Charny.
Oui, sauvons la Halle de Charny. Un autre choix est inimaginable !
