MOB Y GO

Peuple de Puisaye, la Région a mis en place un dispositif de transport qui relègue les parcs  d’attraction franciliens à l’âge de pierre du loisir de masse !

Mieux qu’un Escape Game, aussi excitant que des montagnes Russes, plus effroyable qu’un tour en train fantôme, plus intrépide qu’un voyage debout dans une bétaillère affrétée par les TER Bourgogne ! Découvrez sans tarder les mille péripéties que vous réserve la société de gestion des transports de proximité « MobiGo ».

Non content d’avoir supprimé un service de liaison directe par autobus entre la Capitale et les quatorze villages, au profit d’une navette entre la gare de Joigny et les susmentionnées villages, l’espièglerie des décideurs a voulu que la liaison se fasse, non pas quotidiennement, mais sur deux trajets en sens unique une fois par semaine ! L’un le vendredi à l’arrivée du train du soir en direction des communes desservies. Retour à vide. L’autre, le dimanche soir, depuis les communes desservies, jusqu’à la gare, retour à vide, là aussi.

Le principe, bien que contraignant à souhait pour ceux qui ne pourraient adapter leurs horaires à ceux de la navette, est au demeurant simple, et facile, pour tout un chacun, à comprendre.

Mais c’est là qu’intervient le génie ludique des concepteurs de ce jeu de pistes à travers nos campagnes ! Pour pouvoir monter à bord du véhicule mis à disposition pour les trajets indiqués, l’usager devra réserver sa place. Jusqu’ici, une fois encore, le principe semble relativement peu contraignant : une ligne téléphonique est mise à disposition, dont le numéro figure même au dos des titres de transport que l’on se procure à l’entrée du bus. Maaaaaais ! Il y a un mais. Cette réservation devra être faite au plus tard vingt-quatre heures avant le départ de ladite navette. Tant pis pour les voyageurs dont la décision de venir en Puisaye se fait à la dernière minute, ce qui ne les empêche absolument pas d’arriver à la gare de Joigny, et ce au titre d’un principe lumineux : il existe en France en 2023 des usagers du train, c’est-à-dire des personnes qui privilégient le transport ferroviaire collectif à la voiture individuelle. On notera au passage l’émergence dans ce texte de deux concepts fondamentaux de l’organisation sociale : le collectif et l’individuel. On invitera d’ailleurs les décideurs géniaux de l’organisation MobiGo à se rendre à des séminaires de formation sur le sujet.

Soucieux de rétablir la balance dans ce qu’il faut bien appeler un procès à charge, l’auteur souligne que l’utilisation d’un système de réservation contraignant pourrait être justifiée par le fait de mettre à disposition des véhicules adaptés au nombre de passager. N’affrétons pas un car de soixante places, si seules trois personnes ont annoncé leur désir de voyager sur tel ou tel trajet. De même, ne mettons pas un mini-bus d’une capacité de huit places lorsqu’on a douze réservations

Mais facétieux talent des décideurs à l’origine de cette organisation digne d’un Khô Lanta Poyaudin, ou d’un Pékin Express Jovinien, ne se limite pas à une démarche cohérente. Adeptes des injonctions contradictoires, la direction se réserve le droit de changer la règle en cours de route, histoire de « pimenter l’expérience » !

Par exemple, cette expérience vécue par un usager régulier du service : le vendredi soir c’est systématiquement un autocar de soixante-dix places qui est affrété par le génial transporteur. Ainsi, quand parfois cet  usager oublie d’effectuer sa réservation dans les délais, il sait qu’il pourra compter sur la présence du gros bus.  Le chauffeur le prévient que des consignes ont été données de ne pas prendre en charge les personnes n’ayant pas réservé. Cet avertissement pris en compte, notre aventurier prend le soin de bien réserver ses trajets MobiGo. Une fois n’est pas coutume, notre homme omet de réserver sa place dans les délais impartis. « Boarf » (sic) se dit-il, il y aura toujours ce gros bus, et le chauffeur qui connaît ma tête ne fera pas de différence avec les fois, nombreuses et régulières, où j’ai été dans les clous. Sauf qu’en sortant de la gare il verra l’arrière du gros bus, parti sans lui, s’éloigner dans la nuit.  Il sortira donc son téléphone pour qu’une personne dévouée interrompe sa soirée tranquille de fin de semaine pour venir le chercher à Joigny, soixante dix kilomètres aller-retour, avec un carburant au-dessus de deux euros le litre, une heure d’attente pour notre aventurier du rail dans les frimas de février. Cerise sur le gâteau (c’est pas de la tarte, faut le dire) sur le chemin vers Charny Orée de Puisaye, à la sortie de la sémillante commune de Béon, notre voyageur et son escorte croisent en sens inverse, le gros bus MobiGo de retour de sa mission plus tôt que prévu puisque, l’apprendra-t-on plus tard de source sûre, il n’avait qu’une réservation ce soir-là (donc soixante neuf places libres à l’aller, soixante-dix au retour, chapeau les artistes) !

Plus récemment, des voyageurs moins intrépides, et pour tout dire parfaitement informés de la règle en vigueur, avaient pris la peine d’effectuer leurs réservations en temps et en heure, suivant un protocole désormais appliqué d’une main de fer par la gestion du Parc d’Attraction Mobile, plus connu sous le nom de, je vous le donne en mille : MobiGo. Ce nom qui fait depuis frémir l’échine de tous les téméraires en quête de sensations fortes dans la région. Ces voyageurs, loin d’être d’humeur baroudeuse, avaient réservé donc. Ils étaient assis dans leur train en direction de Joigny depuis Paris ce vendredi-là, quand ils reçurent un coup de téléphone de MobiGo, les informant, avec force regret de « ne pouvoir faire autrement », d’« être sincèrement désolés », que leur place dans la navette du retour, le dimanche même ne pourrait être assurée en raison de violences urbaines ayant éclaté, il est vrai, dans toute la France (Montargis sévèrement touchée, Joigny une poubelle incendiée et une ou deux autos). Donc, MobiGo explique à ses voyageurs disciplinés, auxquels il a bien fait comprendre que sans réservation il n’y avait pas de service garanti, MobiGo qui a bien « dressé » ses passagers, leur a bien signifié qu’on ne laissait plus rien au hasard, MobiGo, donc, le même, l’unique, annonce, avec un sens de l’improvisation qu’on devine tâtonnant, que, finalement, « même avec réservation, beeeeen, on est désolés, on s’éssscuse, maiiiiiiiiiiis on va pas pouvoir assurer le service qu’on vous a dit qu’on assurait si vous étiez en règle avec les délais, tout ça, et queeeeeee, même si vous étiez déjà dans le traiiiiin, euuuuuuh, ben on était désolééééés heeeeeiiiiin mais bon, non » (citation de mémoire, mais assez fidèle à la teneur globale de l’argumentaire).

Les passagers effarés, étaient encore sous le choc en sortant du train, pour se diriger vers le gros bus quand, sur le parking, ils aperçurent une petite camionnette grise, devant laquelle se trouvait le chauffeur du gros bus ! Ennuyé, il leur dit qu’étant données les « violences urbaines », la direction opérationnelle de MobiGo (qui opérerait, semble-t-il depuis une autre planète) avait pris la décision de ne pas affréter de gros bus, de peur que cela donne envie aux « casseurs » d’y mettre le feu ! Ce qui eût pour conséquence de laisser sur le tarmac du parking de la gare de Joigny (« en pleines émeutes urbaines » s’il vous plaît), trois voyageurs improvisés pour lesquels le minibus ne proposait pas suffisamment de places assises.

Ainsi, on peut se demander si le hasard a présidé à ce choix sémantique qui vous fait immédiatement entendre, par un subtil jeu de consonances, le terme « Mobylette », cher à nos campagnes, dans l’appellation donnée à cette société d’intérêt collectif ?

En effet, après quelques tentatives pour vous faire convoyer d’un point A à un point B par MobiGo, vous aurez toutes les chances d’être tentés par l’acquisition, rétrograde certes, mais ô combien plus efficace et clémente pour les âmes sensibles, d’une bonne vieille « Mob » pour assurer vos déplacements entre la gare et chez vous. Parce que la Mob y go ?

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